Geneviève Laferrère, responsable de l’écomobilité au conseil régional d’île-de-France, a publié ce texte passionnant dans le Courrier des maires – n°209 de janvier 2008.
C’est la synthèse de ce que Vélo-Cité prêche depuis des années et de ce que nombre d’élus et de techniciens ne veulent pas (encore) entendre. Ces propos font suite à ce que Geneviève Laferrère (alors ingénieur chargée du vélo urbain au CERTU) avait écrit naguère : “Il suffirait de peu de choses pour faciliter la vie du cycliste urbain” dont des extraits avaient été publiés dans notre numéro 73 de septembre 2003.
Lisez ce texte, parlez-en aux élus que vous connaissez, diffusez-le dans les réunions de quartier auxquelles vous participez, apprenez-le par coeur pour répondre aux objections des ignorants qui trouvent qu’on fait toujours trop pour les cyclistes !
Ce texte peut être reproduit librement et sans modération : vous avez pour cela l’aval de Geneviève Laferrère elle-même.
Les difficultés de déplacements en centre-ville, le temps perdu à chercher une place pour se garer, l’augmentation du prix de l’essence, le bruit et la pollution atmosphérique font partie des préoccupations quotidiennes. Mais, si le nombre de nos déplacements quotidiens augmente, les distances parcourues restent souvent inférieures à 3 km. Les Français se disent prêts à marcher ou pédaler à condition que les rues et les artères de leur commune soient aménagées pour rendre les parcours sécurisés et attractifs. Il suffit de regarder autour de soi : la bicyclette est sortie de sa marginalité ! Aujourd’hui une commune qui adopte un plan cyclable et met en place des mesures adaptées est sûre de voir une partie des pédaleurs du week-end se transformer en cyclistes quotidiens, et des parents-taxis encourager leurs enfants à être autonomes pour se rendre à leurs multiples activités.
1 – Bien connaître les obligations législatives
2 – Elaborer un programme d’actions intégrant la voirie et l’urbanisme
3 – Adapter la ville aux cyclistes par des micro-aménagements
4 – Concevoir des itinéraires confortables et sûrs
5 – Raccourcir les déplacements pour les cyclistes
6 – Développer les doubles sens cyclables
7 – Organiser l’intermodalité et la complémentarité des modes
8 – Favoriser le stationnement vélo sur les espaces publics et privés
9 – Favoriser la location et la mise à disposition de vélos
10 – Informer la population et former le personnel communal
1 – Bien connaître les obligations législatives
“A l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes ou voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du PDU lorsqu’il existe.” Cet article issu de la loi sur l’air et intégré au Code de l’environnement (article 228-2) s’applique entre les panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération et quelles que soient la taille de la commune et la domanialité du réseau de voirie. Tout réaménagement de voie doit donc s’accompagner d’un aménagement cyclable, même s’il ne figure pas explicitement dans le PDU, sous peine de faire l’objet d’un recours administratif. Cela suppose la connaissance de nombreuses données : géométrie, répartition des usages par mode (automobile, transport public, poid lourd…), vitesses, accidents, type d’activités ou d’habitat riverain, localisation du stationnement.
A noter : selon l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon (juillet 2003, REW c/ Valence), l’expression “fonction des contraintes de la circulation” (art. 20 de la loi sur l’air) indique que le choix de la solution technique (piste, bande, couloir indépendant…) dépend des contraintes de circulation (automobile), mais que des itinéraires cyclables doivent, dans tous les cas, être aménagés.
2 – Elaborer un programme d’actions intégrant la voirie et l’urbanisme
Qu’on l’appelle plan vélo, schéma cyclable, charte de circulation douce, qu’il se réfère au plan de déplacements urbains (PDU) ou au schéma de cohérence territoriale (SCOT), il est important d’avoir un programme d’actions et de l’intégrer au plan local d’urbanisme (PLU). Etabli en concertation avec la population, les associations d’usagers et de parents d’élèves, les partenaires économiques, il sera mieux compris et accepté. Partout sur le territoire communal et pas seulement en centre-ville, il s’agit de savoir quel mode et quel type de circulation et de stationnement on souhaite favoriser ou réduire. Pour être viable, ce programme doit être pluriannuel, bénéficier de financements identifiés et faire l’objet d’une communication dans le journal municipal maus aussi à l’occasion des inaugurations d’itinéraires ou d’événements festifs. Les actions doivent porter prioritairement sur les artères à forte circulation et les points noirs : carrefours complexes, coupures dues à des infracstructures importantes. Les permis de construire doivent réserver obligatoirement des espaces de stationnement sécurisées et accessibles pour les vélos au plus près des entrées des immeubles, des bâtiments publics et des bureaux. Cette démarche n’est nullement réservée aux grands villes : Tournefeuille (Haute-Garonne), Guidon d’or 2007, offre à ses 23 000 habitants 36 km d’aménagements cyclables, et six lignes de “bus cyclistes” pour ses collégiens.
3 – Adapter la ville aux cyclistes par des micro-aménagements
L’élaboration d’un plan cyclable ne doit pas retarder la mise en place d’actions simples en faveur des cyclistes : des mesures peu coûteuses et des micro-aménagements peuvent être entrepris en parallèle de la réflexion appronfondie. Les mesures visant à modérer la place et la vitesse de l’automobile porfitent autant à la marche, au transport public et au vélo. Ce dernier ne requiert donc pas systématiquement un traitement spécifique. Solution la plus efficace en centre-ville, en zone commerçante comme en secteur périscolaire, la zone 30 permet un parfait équilibre entre les différents usagers et une bonne prise en compte de leurs besoins. Elle offre des itinéraires tranquilles pour les déplacements de proximité, plus de sécurité aux jeunes ou aux plus âgés qui sont les plus vulnérables aux accidents. De simples sas vélos aménagés aux carrefours à feux, comme à Calais, facilitent le démarrage des cyclistes : il suffit de positionner des pictogrammes vélo entre deux lignes d’effet des feux espacées de 3 mètres. Lorsqu’elles existent, on peut utiliser les contre-allées à condition d’organiser la réinsertion des cyclistes aux extrémités sans constituer une voirie parallèle pour automobilistes pressés. Les parcs urbains représentent des espaces sécurisés pour l’apprentissage du vélo : tolérer la circulation des cyclistes sur toutes les allées ou sur certaines d’entre elles est une mesure efficace immédiatement.
4 – Concevoir des itinéraires confortables et sûrs
Les itinéraires courts et directs sont préférés par les cyclistes car économes en temps et en effort musculaire. Le code de la route autorise leur circulation dans les aires piétonnes à l’allure du pas (article R.431-9) mais l’interdit sur les trottoirs : seuls les enfants de moins de huit ans y sont tolérés. La cohabitation des cyclistes dans la circulation générale doit donc être la règle. De nombreuses expériences françaises et étrangères ont prouvé que la bande cyclable est souvent plus sûre que la piste. En effet, sur une piste séparée physiquement de la chaussée, le cycliste peut éprouver un sentiment de sécurité excessif et ne pas être assez attentif au danger au moment où il doit se mêler à nouveau à la circulation générale. Sur une simple bande, où il côtoie les automobilistes, le cycliste est tuojours préparé à partager momentanément l’espace disponible avec les autres usagers. Economique, la bande n’a besoin que d’un simple marquage et d’une signalisation verticale ; rapidement installée, elle s’avère d’une grande souplesse d’utilisation : on y accède facilement et on la quitte de même. La piste devient intéressante quand on accède directement aux points stratégiques et qu’on croise peu de carrefours. Au niveau du trottoir, sa délimitation doit laisser aux piétons une largeur suffisante dégagée de tous obstacles (1,80 m et en aucun cas moins de 1,40 m – arrêté du 31/08/99). Elle doit être éloignée des façades afin de faciliter la visibilité de tous. Des avancées de trottoir ou des îlots peuvent empêcher le stationnement gênant en entrée et sortie.
A noter : le revêtement d’une bande cyclable doit avoir une résistance égale ou supérieure à celui de la chaussée principale, selon la Fédération française de cyclotourisme. Par ailleurs, la bande longeant en ville des voitures en stationnement doit prévoir un espace de 0,50 m pour permettre aux cyclistes d’éviter les portières.
5 – Raccourcir les déplacements pour les cyclistes
Pour éviter que certaines configurations ou mesures de circulations entre ancien ou en lotissements -ruelles, impasses, rues en sens uniques ou réservées aux piétons – n’obligent les cyclistes à des détours, une solution simple et peu coûteuse consiste à les autoriser à y circuler en limitant si besoin les accès aux modes motorisés par des bornes, plots, etc. Ces aménagements ne doivent pas entraver la circulation des piétions et des personnes à mobilité réduite. Les bordures doivent être abaissées au niveau de la chaussée pour éviter tout ressaut. Dans les escaliers, la pose d’un rail en forme de U de 10 cm de large ou d’une rampe d’une vingtaine de centimètres sur le côté permet pousser le vélo en minimisant les efforts. Les berges et les anciennes voies ferrées offrent des accès directs et à faible dénivelé pour pénétrer au coeur des bourgs : la réalisation de “voies vertes”, exclusivement réservées à la circulation des modes non motorisés et raccordées au maillage cyclable urbain existant est une opportunité que de nombreuses collectvités saisissent : Voie Bleue à Chalon-sur-Saône, Avenue Verte à Dieppe ou Chambéry… La largeur préconisée pour une bonne cohabitation est de 3m ; 2,50 m est acceptable sur de courtes distances.
6 – Développer les doubles sens cyclables
Les contresens cyclables sont réglementairement des rues à double sens dont un sens est réservé aux cyclistesn ce que permet l’article n° 2213 du code général des collectivités teritoriales. Après Strasbourg, de plus en plus de villes grandes ou petites ont testé avec succès ces dispositifs dans les secteurs où la vitesse est limitée à 30 km/h, sans relever la moindre augmentation d’accidents, au contraire. Les conducteurs se voient face à face et adoptent un comportement de prudence pour se croiser, ce qui est bénéfique à tous les usagers. Le marquage de délimitation axiale n’est pas obligatoire : cela dépend de la largeur de la voie. Au-delà de 4m, il est préférable de bien identifier l’espace dédié aux cyclistes. Il convient par contre de renforcer la perception de l’aménagement par des pictogrammes vélo et des flèches pour rappeler aux piétons la présence des cyclistes. la réalisation d’un ilot de protection en entrée (borduré ou simplement peint) permet d’éviter que les automobilistes ne coupent le virage ou ne stationnent sur le partie strictement cyclable. La suppression du stationnement longitudinal n’est pas nécessaire.
7 – Organiser l’intermodalité et la complémentarité des modes
Avec l’étalement et le desserrement croissant des villes, les distances pour les trajets domicile-travail ou domicile-école sont parfois importantes. Faciliter le rabattement des cyclistes vers les gares ou les axes de transports public pour une combinaison intelligente “vélo+bus”, “vélo+train”, permet d’accroître significativement l’aire de desserte des lignes structurantes de transports en commun et désengorge ces secteurs aux heures de pointe. L’accès des couloirs-bus ayx cyclistes est possible la plupart du temps sans élargissement et permet d’optimiser l’espace public, d’assurer continuité et lisibilité du réseau cyclable. Un ensemble constitué de quelques arceaux bien visibles et à proximité immédiate d’un arrêt, si possible protégé des intempéries et éclairé, est un encouragement à utiliser son vélo au quotidien pour se rendre à la station la plus proche.
8 – Favoriser le stationnement vélo sur les espaces publics et privés
Ces deux types de stationnement sont complémentaires. L’absence de stationnement au domicile ou sur le lieu de travail est un frein à l’usage du vélo que l’on sous-estime trop souvent. Des ratios sont préconisés : en collectif 1 à 2 places par logement selon la taille ; 1 place pour 8 à 12 élèves en primaire, pour 3 à 5 élèves en secondaire, pour 5 à 8 étudiants ; 1 pour 10 salariés en entreprise. Les critères à privilégier sont la visibilité du parc de stationnement, la facilité d’accès, la protection des vélos et l’entretien du local. Sur l’espace public, disséminer des arceaux vélo devant les bâtiments publics, les espaces sportifs et culturels, les zones commerçantes est une mesure afficace et peu dispendieuse.
9 – Favoriser la location et la mise à disposition de vélos
La mise à disposition de vélos pour les étudiants en début d’année scolaire et pour les employés municipaux est une bonne façon de les encourager à se déplacer autrement qu’en voiture. Géré par une association ou par le réseau de transport urbain (Montpellier, Versailles), ce service peut s’étendre aux entreprises locales : le plan de déplacement d’entreprises (PDE) rélève souvent les multiples avantages du vélo pour les trajets personnels, en particulier en gain de temps et d’argent. Mais la maintenance et le suivi des vélos sont des éléments clés du dispositif. Une “vélostation”, offrant des services de location, gardiennage, petite réparation, initiation au vélo, dimensionnée à la taille et aux moyens de la commune est aussi un lieu d’animation et d’information.
10 – Informer la population et former le personnel communal
Investir dans des aménagements cyclables n’apporte pas les résultats escomptés si cette démarche ne s’accompagne pas d’une politique ambitieuse de communication en faveur des modes alternatifs à la voiture en général, et du vélo en particulier. Le journal municipal est un bon relais pour évoquer les bienfaits du vélo pour la santé, pour les jeunes en particulier dont le taux d’obésité ne cesse de croître. On estime à 5 euros par habitant et par an le coût moyen d’une politique cyclable : c’est peu car le bénéfice se compte également en sécurité routière. Ainsi Lorient et Toulouse ont constaté une chute spectaculaire de plus d’un tiers du nombre des accidents de la route avec la mise en place de zones 30 et d’un réseau cyclable maillé et cohérent. Sensibiliser et former le personnel communal pour mieux prendre en compte cyclistes et piétons dans tout projet d’urbanisme et de voirie, c’est offrir à terme à la population un cadre de vie à haute qualité environnementale.
A noter : les associations de défense des usagers demandent aux collectivités d’employer des balayeuses spéciales munies d’un embout aspirateur (large d’envrion 1,50 m) pour bien nettoyer les bandes et pistes cyclables des gravillons, morceaux de verres et détritus qui s’y rencontrent trop souvent.
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